A l'origine
Il y a ce poème de Paul Celan: « Greffée sur l'oeil »
" Sur ton oeil est greffée
la brindille
qui signalait aux forêts
le chemin
soeur dans la fratrie des regards
elle fait bourgeonner la pousse,
la noire.
A perte de ciel la paupière
se galbe sous ce printemps
A perte de paupière
le ciel s'étire, en dessous
à l'abri du bourgeon
l'Eternel labour
le Seigneur. "(extrait)
J'ai croisé ce poème sidérant. Il est venu à ma rencontre - comme un animal - pour me dire quelque chose à la fois d'aveuglant et de vivant, de surgissant. C'est comme si, dans la forêt, tout d'un coup, je me trouvais face à un animal, face à quelque chose qui relève d'une mémoire très ancienne, une rencontre avec une puissance rétive à la domestication et en même temps une intimité archaïque avec ce qu'il y a de plus sauvage en moi à travers le vocabulaire évoqué.
L'image reste en suspens. Je vois le début du film, ce qu'il décrit et du coup maintenant je produis mentalement un autre film - celui que je suis en train de formuler et qui prouve que là, tout d'un coup, ce poème me « touche ». ll opère comme une énergie « imageante » sur moi.
La poésie, comme nécessité.
A l'origine de ce projet, il y ma rencontre avec le danseur et chorégraphe Jean-Gabriel Manolis qui aboutit, ici à la réalisation d'un film singulier, jetant un nouveau pont entre la danse et le cinéma : une tentative d'inventer ensemble un langage poétique, troublant et sensuel.